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ANALYSE CRITIQUE

Le droit renfermant la faculté de contraindre, ou, pour mieux dire, ces deux choses étant identiques, on peut le représenter, dans son sens strict, comme la possibilité de l’accord d’une contrainte générale et réciproque avec la liberté de chacun 1[1]. Le droit, au sens strict, ne concerne, comme on l’a vu plus haut, que les actions extérieures : on ne peut exiger que les hommes se déterminent intérieurement d’après un motif purement moral, mais seulement qu’ils n’agissent pas extérieurement de telle sorte que la liberté de chacun ne puisse plus subsister avec celle de tous. Sans doute le droit se fonde en dernière analyse sur la conscience qu’a chacun de nous d’être obligé de se conformer à la loi ; mais on ne peut nous forcer à donner pour mobile à nos actions le respect de cette loi même, tandis qu’on peut très-bien nous contraindre à ne pas faire extérieurement de notre liberté un tel usage qu’elle ne s’accorde plus avec celle de tous. La possibilité de cette contrainte extérieure représente donc le droit, dans le sens strict du mot. Et, comme une contrainte par laquelle tous se forceraient les uns les autres à ne faire de leur liberté d’autre usage que celui qui se peut concilier avec la liberté de tous, n’aurait rien que de conforme à la liberté de chacun, en tant qu’elle est réglée par une loi générale, puisqu’elle ne ferait qu’assurer l’accord de cette liberté avec celle de tous, il suit que le droit, que nous avions défini tout à l’heure par l’accord de la liberté de chacun avec la liberté générale, peut être aussi défini par l’accord de la contrainte générale avec la liberté de chacun.

Droit équivoque.

Tel est le droit strict : il implique la faculté de contraindre ; mais on peut aussi concevoir un droit large, c’est-à-dire un droit où cette faculté ne puisse être déterminée par aucune loi 2[2]. Dans cette sorte ou cette prétendue sorte de droit, Kant distingue le droit de —l’équité et celui de la nécessité, le premier, dit-il, qui admet un droit sans contrainte, et le second, une contrainte sans droit. Mais il ajoute aussitôt que l’ambiguïté qu’on trouve iciprovient de ce qu’il y a.des cas où le

    s’arrête ? Cela semble, sinon absolument impossible, du moins bien difficile, même pour les intelligences les mieux exercées.

  1. 1 Trad. frane., p. 46.
  2. 2 Appendice à l’introductio, de la Doctrine du droit. Du droit équivoque, trad, fraîiç., p. 49-53.