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DE LA DOCTRINE DU DROIT.


une législation extérieure 1[1]. Il ne s’agit pas ici de ce que prescrivent en réalité ou ont prescrit les lois établies dans tel lieu ou dans tel temps, ou de ce qu’on appelle le droit positif, mais des principes immuables qui doivent servir de fondement à toute législation extérieure. ou du droit naturel. Ce sont là deux choses fort distinctes. Au-dessus de tous les codes, il y a des règles qui, loin de tirer leur valeur de quelque législation écrite, fournissent à chacune son type et son critérium : ce sont les lois qui émanent de la raison même. Tant qu’on-ne s’est pas élevé jusque-là, on a beau être versé dans la connaissante du droit positif, on ne peut savoir si ce qu’il contient est juste en soi, et l’on manque en général de la règle nécessaire pour reconnaître le juste et l’injuste. « Une doctrine du droit purement empirique, ajoute Kant fort ingénieusement 2[2] ; peut être, comme la tête de bois dans la fable de Phèdre, une fort belle tête, mais, hélas ! sans cervelle. »

Qu’est-ce que le droit ?

C’est donc à la raison et non à la législation écrite qu’il faut s’adresser pour déterminer d’abord ce que c’est que le droit 3[3]. Or, si l’on considère à ce point de vue le concept du droit et qu’on l’envisage dans son rapport à l’obligation qui y correspond ? voici les caractères que L’analyse y découvre : 1° Il ne s’applique qu’aux relations extérieures des personnes entre elles : La sphère du droit n’est pas la sphère individuelle, c’est-à —dire celle de la personne même ou des actes qui ne sortent pas d’elle ; il ne commence qu’avec les rapports des personnes entre elles ou ne s’applique à leurs actes qu’autant que par ces actes elles peuvent agir les unes sur les autres. L’idée du droit est donc celle d’un rapport entre les personnes. 2° Il faut ajouter que ce rapport ne se fonde pas sur le pur désir ou Le simple besoin : une personne peut désirer une chose ou en avoir besoin, il ne s’ensuit pas qu’elle ait le droit

    soit par la nature, soit par le devoir : ainsi plus il en rencontre du côté de la nature et moins il en rencontre du côté du devoir, c’est-à-dire moins le devoir est impérieux, plus aussi l’action est méritoire. Au contraire, moins sont grands les obstacles naturels et plus le devoir commande impérieusement, plus aussi la transgression est coupable. « C’est ainsi, dit Kant(p. 40, que l’état de l’âme, suivant que le sujet a commis l’action dans un moment de passion ou de sang-froid et de propos délibéré, établit dans l’imputation une différence qui a des conséquences. »

  1. 1 Trad. franç., p. 41.
  2. 2 P. 43.
  3. 3 P. 42-43.