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DE LA DOCTRINE DU DROIT.


Seulement, si l’on ne veut sortir des limites de la métaphysique des mœurs, et tout perdre en tout confondant, on ne doit envisager ici la nature humaine qu’autant qu'il est nécessaire pour y déterminer l’application et les conséquences des principes universels de la raison, et il faut bien prendre garde d’en couvrir l’origine ou d’en altérer la pureté.

Notre philosophe renvoie même à une science ultérieure et distincte tout ce que l’expérience peut nous apprendre relativement à la pratique des lois morales, la connaissance des conditions subjectives ou des circonstances particulières qui en peuvent favoriser ou contrarier l’exécution dans la nature humaine, celle par exempt des meilleurs moyens à suivre pour inculquer et développer dans les âmes les principes moraux. Cette anthropologie morale, fondée sur l’observation de la nature humaine, forme la seconde division de la philosophie pratique (1)[1], dont la métaphysique des mœurs est la première. Elle est égaiement indispensable, mais elle ne doit venir qu’après celle-ci, et elle en doit toujours rester distincte.

Division ie la métaphysique des mœurs.

Le caractère de la métaphysique des mœurs ainsi déterminé, voyons comment elle se divisera (2)[2]. C’est en général une grave et difficile question, selon Kant, que celle de la division d’un système de connaissances : il faut en effet que cette division représente le système dans son intégrité et qu’elle permette à l’esprit de passer sans solution de continuité du concept divisé aux membres de la division et de ceux-ci à leurs subdivisions. Quelle sera d’abord la division fondamentale de la métaphysique des mœurs ? Quelle que soit la nature des actes qu’une législation prescrive et de quelque source qu’elle émane, il y a toujours deux choses à distinguer : d’une part, la loi même par laquelle elle présente une certaine action comme devant être faite, ou comme objectivement nécessaire ; et de l’autre, le mobile qu’elle met en jeu dans le sujet auquel elle s’adresse, pour le déterminer à lui obéir. D’où il suit que, tout en prescrivant les mêmes actes, une législation peut diffé-

  1. (1) Kant n’a point consacré d’ouvrage spécial à cette partie de la morale telle qu’il la conçoit ; mais il a donné à son traité d’Anthropologie un but et un caractère pratiques : Anthropologie in pragmatischer Hinsicht.
  2. (2) Introduction déjà citée : III. De la division de la métaphysique des mœurs, p.25-29.