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FONDEMENTS DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS.


bien si précieux que nous appelons bien moral, bien qui se trouve dans la personne même qui agit d’après cette idée, et ne peut pas être attendu seulement du résultat de l’action *.

Mais de quelle nature peut bien être cette loi dont la représentation doit déterminer la volonté, sans avoir égard à l’effet attendu, de telle sorte que cette volonté puisse être appelée bonne absolument et sans restriction ? Comme j’ai dépouillé la volonté de toutes les tendances que pourrait éveiller en elle l’idée des conséquences de l’accomplissement d’une loi, il ne reste plus

  • On pourrait m’objecter qu’en employant le mot respect, je recours a un sentiment obscur, au lieu de répondre clairement à la question par un concept de la raison. Mais, si le respect est un sentiment, ce n’est pas un sentiment que nous subissons, sous quelque influence étrangère ; il se produit de lui-même par l’effet d’un concept de la raison, et se distingue ainsi spécifiquement de tous les sentiments du premier genre qui se rapportent à l’inclination ou à la crainte. Ce que je reconnais immédiatement comme étant une loi pour une personne, je le reconnais avec un sentiment de respect qui n’exprime qu’une chose : la conscience de la subordination de ma volonté à une loi, sans l’intermédiaire d’aucune influence sensible. La détermination immédiate de la volonté par la loi et la conscience de cette détermination, voilà ce que j’appelle le respect, en sorte qu’il faut y voir un effet de la loi sur le sujet et non la cause de cette loi. A proprement parler le respect est la représentation d’une valeur qui humilie mon amour-propre. Il s’adresse à une chose qui ne peut être considérée ni comme un objet d’inclination, ni comme un objet de crainte, bien qu’il ait quelque analogie avec ces deux sentiments. L’objet du respect est donc uniquement la loi, je veux dire la loi que nous nous imposons à nous-mêmes, tout en la regardant comme nécessaire en elle-même. Nous nous y soumettons parce que c’est la loi, sans consulter l’amour de soi, mais comme c’est une loi que nous nous imposons à nous-mêmes, elle est une conséquence de notre volonté ; c’est pourquoi elle nous inspire d’un coté un sentiment analogue à la crainte, et de l’autre côté un sentiment analogue à l’inclination. Le respect que nous avons pour une personne est en réalité le respect de la loi (de l’intégrité, etc.) dont cette personne nous donne un exemple. Comme nous regardons comme un devoir de développer nos talents, nous considérons une personne de talent comme étant, elle aussi, un exemple d’une loi, qui serait d’arriver à lui ressembler en nous exerçant et c’est ce qui fait notre respect pour elle. Tout ce que l’on appelle intérêt moral consiste uniquement dans le respect de la loi. (N. de K.)