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DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS


possible que par analogie avec un règne de la nature, mais la possibilité de celui-là est toute entière fondée sur des maximes, c’est-à-dire sur des règles qu’on s’impose à soi-même, tandis que la possibilité de celui ci ne l’est que sur des lois qui soumettent les causes efficientes à l’empire d’une nécessité extérieure. Ce qui n’empêche pas d’ailleurs de donner à l’ensemble de la nature, bien qu’on ne la considère que comme une machine, le nom de règne de la nature, à cause de son rapport avec les êtres raisonnables considérés comme fins. Ce règne des fins serait réalisé par les maximes, dont l’impératif catégorique trace la règle à tous les êtres raisonnables, si elles étaient universellement suivies. Mais, quoique l’être raisonnable ne puisse espérer que, quand il suivrait lui-même ponctuellement ces maximes, tous les autres les suivraient également, et que le règne de la nature et son ordonnance se mettraient en harmonie avec lui, comme avec un membre fidèle à sa destination *[1], pour réaliser ce règne des fins dont il est le principe **[2], c’est à-dire lui donneraient le bonheur qu’il attend, cette loi : agis d’après les maximes d’un membre qui établit des lois universelles pour un règne des fins purement possible, n’en subsiste pas moins dans toute sa force, car elle commande catégoriquement. Et c’est précisément en cela que consiste ce paradoxe, que la dignité de l’humanité, considérée comme nature

  1. * als einem schicklichen Gliede, mot à mot : comme avec un membre convenable.
  2. ** durch ihn selbst moglichen, mot à mot : possible par lui même.