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FONDEMENTS


qui l'empêcherait de pouvoir être considérée comme une loi universelle pour tout sujet, c’est dire que le sujet des fins, c’est-à-dire l’être raisonnable lui-même, doit servir de principe à toutes les maximes de nos actions, non comme un moyen, mais comme une condition suprême à laquelle est soumis l’emploi de tous les moyens, c’est-à-dire comme une fin.

Il suit de là incontestablement que tout être raisonnable, en tant que fin en soi, doit pouvoir se considérer comme un législateur universel relativement à toutes les lois auxquelles il peut être soumis, puis que c’est précisément ce caractère, qu’ont ses maximes de pouvoir former une législation universelle, qui fait de lui une fin en soi, et que ce qui lui donne sa dignité (sa prérogative), ce qui l’élève au-dessus de tous les autres êtres de la nature, c’est qu’il doit envisager ses maximes d’un point de vue qui est le sien, mais qui est en même temps celui de tout autre être raisonnable, considéré comme législateur (et c’est pourquoi aussi on l’appelle une personne). Or c’est de cette manière qu’un monde d’êtres raisonnables (mundus intelligibilis) peut être considéré comme étant un règne des fins, et cela par la vertu de la législation propre à toutes les per sonnes qui en font partie comme membres. D’après cela tout être raisonnable doit toujours agir comme s’il était, par ses maximes, un membre législateur dans le règne universel des fins. Le principe formel de ces maximes est celui-ci : agis de telle sorte que ta maxime puisse servir en même temps de loi universelle (à tous les êtres raisonnables). Un règne des fins n’est