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FONDEMENTS


devoir. Telle est donc l’estimation par laquelle nous reconnaissons dans notre façon de penser *[1] cette valeur que nous désignons sous le nom de dignité, et qui est tellement élevée au-dessus de toute autre, que toute comparaison serait une atteinte portée à sa sainteté.

Et qu’est-ce donc qui autorise une intention moralement bonne ou la vertu à élever de si hautes prétentions ? Ce n’est rien moins que le privilège qu’elle donne à l’être raisonnable de participer à la législation universelle, et de devenir par là membre d’un règne possible des fins, privilège auquel il était déjà destiné par sa propre nature, comme fin en soi, et, parlant, comme législateur dans le règne des fins, comme indépendant de toutes les lois de la nature et comme n’obéissant qu’à des lois qu’il se donne lui même, et d’après lesquelles ses maximes peuvent être élevées au rang d’une législation universelle (à laquelle il se soumet lui-même). En effet aucune chose n’a de valeur que celle que la loi lui assigne. Or la législation même qui détermine toute valeur doit avoir elle-même une dignité, c’est-à-dire une valeur inconditionnelle, incomparable, et le mot respect *[2] est le seul qui convienne pour exprimer le genre d’estime qu’un être raisonnable fait de cette valeur. L’autonomie est donc le principe de la dignité de la nature humaine et de toute nature raisonnable.

Les trois manières, que nous avons indiquées, de représenter le principe de la moralité ne sont au fond qu’autant de formules de la même loi, et chacune

  1. * Denkungsart.
  2. ** Achtung.