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FONDEMENTS


quelque intérêt, une volonté qui se donne à elle-même sa suprême législation ne peut en cela dépendre d’aucun intérêt, puisqu’alors elle aurait elle-même besoin d’une autre loi qui subordonnât l’intérêt de l’amour de soi à cette condition qu’il pût servir de loi universelle.

Ainsi ce principe qui présente toute volonté humaine comme constituant par toutes ses maximes une législation universelle 1[1], si l’exactitude en était d’ailleurs bien établie, s’appliquerait parfaitement à l’impératif catégorique, en ce sens que, renfermant l’idée d’une législation universelle, il ne peut se fonder sur aucun intérêt y et qu’ainsi, parmi tous les impératifs possibles, il peut seul être inconditionnel. Ou mieux encore, en retournant la proposition, on peut dire : s’il y a un impératif catégorique (c’est-à-dire une loi qui s’impose à la volonté de tout être raisonnable), il ne peut que commander d’agir toujours suivant la maxime d’une volonté qui n’aurait d’autre objet qu’elle-même, en tant qu’elle se considérerait comme législatrice universelle ; car c’est à cette seule condition que le principe pratique et l’impératif, auquel il obéit, sont inconditionnels, puisqu’alors ils ne peuvent se fonder sur aucun intérêt.

Il n’est plus étonnant que toutes les tentatives, faites jusqu’ici pour découvrir le principe de la moralité, aient échoué. On voyait l’homme lié par son devoir à

  1. * Je puis me dispenser de citer des exemples pour expliquer ce principe, car tous ceux qui ont servi à expliquer l'impératif catégorique et ses formules peuvent ici servir au même but.