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FONDEMENTS


des hommes ou du moins y porte atteinte. Mais, quoi qu’il ne soit pas impossible de concevoir que cette maxime puisse être une loi universelle de la nature, il est impossible de vouloir qu’un tel principe soit partout admis comme une loi de la nature. Une volonté qui le voudrait se contredirait elle-même, car il peut se rencontrer bien des cas où l’on ait besoin de la sympathie et de l’assistance des autres, et où l’on se serait privé soi-même de tout espoir d’obtenir les secours qu’on désirerait, en érigeant volontairement cette maxime en une loi de la nature.

Voilà quelques-uns des nombreux devoirs réels, ou du moins tenus pour tels, dont la division ressort clairement du principe unique que nous avons indiqué. Il faut qu’on puisse vouloir que la maxime de notre action soit une loi universelle ; c’est là le canon de l’appréciation morale des actions en général. Il y a des actions dont le caractère est tel qu’on n’en peut concevoir la maxime sans contradiction comme une loi universelle de la nature, tant s’en faut qu’on puisse vouloir qu’une telle loi existe nécessairement. Il y en a d’autres où l’on ne trouve pas à la vérité cette impossibilité intérieure, mais qui pourtant sont telles qu’il est impossible de vouloir donner à leur maxime l’universalité d’une loi de la nature, parce qu’une telle volonté serait en contradiction avec elle-même. On voit aisément que les premières sont contraire au devoir strict ou étroit (rigoureux) 1[1], les secondes au devoir large (méritoire) 2[2], et les exemples que nous

  1. 1 unnachhterlich.
  2. 2 verdienstlich.