Page:Kant-Critique de la raison pratique, trad. Barni, 1848.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
54
FONDEMENTS


reux, parce qu’il lui faudrait pour cela l’omniscience. Il est donc impossible d’agir, pour être heureux, d’après des principes déterminés ; on ne peut que suivre des conseils empiriques, par exemple, ceux de s’astreindre à un certain régime, ou de foire des économies, ou de se montrer poli, réservé, etc., toutes choses que l’expérience nous montre comme étant en définitive les meilleurs moyens d’assurer notre bien-être. Il suit de là que les impératifs de la prudence, à parler exactement, n’ordonnent pas, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent présenter les actions objectivement comme pratiquement nécessaires ; qu’il faut les regarder plutôt comme des conseils (consilia) que comme des ordres (præcepta) de la raison ; que chercher à déterminer d’une manière certaine et générale quelle conduite peut assurer le bonheur d’un être raisonnable est un problème entièrement insoluble, et que, par conséquent, il n’y a pas d’impératif qui puisse ordonner, dans le sens étroit du mot, de faire ce qui rend heureux, puisque le bonheur n’est pas un idéal de la raison, mais un idéal de l’imagination, fondé sur des éléments empiriques, d’où l’on espérerait en vain tirer la détermination d’une conduite propre à assurer la totalité d’une série infinie d’effets. Mais, si l’on suppose que les moyens de parvenir au bonheur peuvent être exactement déterminés, l’impératif de la prudence sera une proposition pratique analytique : il n’y aura plus dès lors entre l’impératif de l’habileté et celui de la prudence d’autre différence, sinon que dans celui-ci le but est purement possible, tandis que dans celui-là