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DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS


(s’il est encore permis de se servir d’un mot si décrié), à la traiter ainsi séparément, et à lui donner toute la perfection dont elle est capable par elle-même, en engageant le public, qui demande quelque chose de populaire, à prendre patience jusqu’à l’achèvement de cette entreprise.

Une telle métaphysique des mœurs, parfaitement isolée, n’empruntant rien ni à l’anthropologie, ni à la théologie, ni à la physique, ni à l’hyperphysique, encore moins à des qualités occultes (qu’on pourrait appeler hypophysique, n’est pas seulement le fondement indispensable de toute véritable connaissance théorique des devoirs, mais elle est aussi un desideratum de la plus haute importance pour la pratique même de ces devoirs. En effet la considération du devoir et en général de la loi morale, quand elle est pure et dégagée de tout élément étranger, c’est-à-dire de tout attrait sensible, a sur le cœur humain, par la seule vertu de la raison (laquelle reconnaît tout d’abord qu’elle peut être pratique par elle-même), une influence bien supérieure à celle de tous les autres mobiles 1[1],

    mais exister par eux-mêmes a priori, et que c’est en de tels principes qu’il faut chercher des règles pratiques, qui s’appliquent à toute nature raisonnable, et aussi, par conséquent, à la nature humaine.

  1. 1 J’ai une lettre de feu l’excellent Sulzer, où il me demande pourquoi les traités de morale, quelque propres qu’ils paraissent à convaincre la raison, ont pourtant si peu d’influence. Je différai ma réponse, afin de n’y rien laisser à désirer. Mais il n’y a pass d’autre cause de ce fait, sinon que les moralistes eux-mêmes n’ont jamais entrepris de ramener leurs concepts à leur expression la plus pure, et qu’en cherchant de tous côtés, avec la meilleure intention du monde, des motifs au bien moral, ils gâtent le remède qu’ils veulent rendre efficace. En