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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


des résultats sans comparaison plus heureux. La chute d’une pierre, le mouvement d’une fronde décomposé dans ses éléments et dans les forces qui s’y manifestent, et mathématiquement étudié, produisit enfin cette connaissance, claire et désormais immuable, du système du monde, qu’on peut toujours espérer d’étendre par de nouvelles observations mais qu’on n’a pas à craindre de voir jamais renversée.

Or cet exemple doit nous engager à suivre la même voie dans l’étude des dispositions morales de notre nature, en nous y faisant espérer le même succès. Nous avons en quelque sorte sous la main des exemples de jugements moraux de la raison. En les décomposant dans leurs concepts élémentaires, et, puisque la méthode mathématique n’est pas ici applicable, en procédant à la manière du chimiste, c’est-à-dire en cherchant par des essais réitérés sur la raison commune, à obtenir la séparation de l’empirique et du rationnel, qui peuvent se trouver dans ces exemples, on pourra les montrer l’un et l’autre purs, et rendre manifeste ce que chacun d’eux peut faire séparément par là on préviendra d’une part les erreurs naturelles à un jugement encore rude et mal exercé et d’autre part (ce qui est beaucoup plus nécessaire) ces extravagances qui, semblables à celles des adeptes de la pierre philosophale, excluant toute investigation méthodique et toute connaissance de la nature promettent des trésors imaginaires et nous font perdre les véritables. En un mot, la science (entreprise critiquement et méthodiquement dirigée) est la porte étroite