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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


blement morales et leur donner une valeur morale, à savoir la représentation immédiate de la loi et la nécessité objective d’obéir à cette loi, ou le devoir, doivent être regardés comme les véritables mobiles de nos actions, puisqu’autrement on pourrait bien donner de la légalité aux actions, mais non pas de la moralité aux intentions. Mais il n’est pas aussi clair, et même au premier coup d’œil il paraîtra fort invraisemblable à chacun que cette exhibition de la pure vertu puisse avoir plus de puissance sur l’âme humaine et lui fournir un mobile plus efficace, que ne le peut, pour produire cette légalité des actions, l’appât du plaisir et en général de tout ce qui se rapporte au bonheur, ou la crainte de la douleur et du mal, et que le premier mobile, c’est-à-dire le pur respect de la loi, soit plus capable que le second de nous déterminer à le préférer à toute autre considération. Et pourtant il en est réellement ainsi dans la nature humaine ; et, s’il en était autrement, la représentation de la loi ayant besoin de moyens détournés de recommandation, il n’y aurait jamais d’intention véritablement morale. Tout serait pure dissimulation ; la loi serait haïe ou même méprisée, et on ne la suivrait que par intérêt. On en pourrait bien trouver la lettre dans nos actions (la légalité), mais non l’esprit dans nos intentions (la moralité) ; et, comme, malgré tous nos efforts, nous ne parvenons jamais à nous dépouiller entièrement de notre raison dans nos jugements, nous nous regarderions inévitablement nous-mêmes comme des êtres sans valeur, tout en cherchant à compenser la peine