Page:Kant-Critique de la raison pratique, trad. Barni, 1848.djvu/349

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
340
CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


dans une éternité. C’est que la sainteté doit toujours être en tout état le type de notre conduite, et que le progrès vers la sainteté est déjà possible et nécessaire dans cette vie, tandis qu’en ce monde le bonheur n’est pas possible (ou n’est pas en notre pouvoir), et ne peut être, par conséquent, qu’un objet d’espérance. Le principe chrétien de la morale même n’est pas pour cela théologique (par conséquent hétéronome), mais il exprime l’autonomie de la raison pure pratique par elle-même, car la morale chrétienne ne donne pas la connaissance de Dieu et de sa volonté pour fondement aux lois morales, mais seulement à l’espoir d’arriver au souverain bien sous la condition de suivre ces lois, et même elle ne place pas le véritable mobile, qui doit nous déterminer à les suivre, dans l’attente des conséquences qui résulteront de notre conduite, mais dans la seule idée du devoir, comme dans la seule chose dont la fidèle observation puisse nous rendre dignes du bonheur.

C’est de cette manière que la loi morale conduit par le concept du souverain bien, comme objet et but final de la raison pure pratique, à la religion, c’est-à-dire nous conduit à regarder tous les devoirs comme des commandements de Dieu. Je n’entends point par là des sanctions, c’est-à-dire des ordres arbitraires et par eux-mêmes contingents d’une volonté étrangère, mais des lois essentielles par elles-mêmes de toute volonté libre, que nous devons considérer comme des commandements du souverain être, parce que nous ne pouvons espérer d’arriver au souverain bien, que la loi morale