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DU CONCEPT DU SOUVERAIN BIEN.


les principes qui le déterminent à la pratiquer ne sont pas purs, c’est-à-dire sont mêlés de beaucoup de mobiles étrangers (dépourvus du caractère moral), et, par conséquent, l’estime qu’il fait de lui-même ne va pas sans humilité. Relativement à la sainteté, qu’exige la loi chrétienne, la seule chose qui soit permise à la créature, c’est donc un progrès indéfini, et c’est précisément ce qui nous donne le juste espoir d’une durée qui s’étende à l’infini. La valeur d’une intention entièrement conforme à la loi morale est infinie, puisque, dans le jugement d’un sage et tout puissant distributeur du bonheur, toute la félicité dont les êtres raisonnables peuvent jouir n’est restreinte par rien autre chose que par le défaut de conformité entre leur conduite et leur devoir. Mais la loi morale ne promet point par elle-même le bonheur, car le bonheur n’est pas nécessairement lié à la pratique de cette loi, suivant les concepts d’un ordre naturel en général. Or la morale chrétienne répare ce défaut (du second élément indispensable du souverain bien), en présentant le monde, dans lequel les êtres raisonnables se consacrent de toute leur âme à la loi morale, comme un règne de Dieu, où, par la puissance d’un être saint, qui rend possible le souverain bien dérivé, la nature et les mœurs sont dans une harmonie, que chacun de ces deux éléments ne produirait pas par lui-même. La sainteté des mœurs nous est déjà présentée dans cette vie comme une règle, mais le bonheur *[1] proportionné à la sainteté, la béatitude ne nous est présentée comme accessible que

  1. * das Wohl.