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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


l’envisagerait pas comme une doctrine religieuse, nous donne sur ce point un concept du souverain bien (du règne de Dieu) qui satisfait seul aux exigences les plus sévères de la raison pratique. La loi morale est sainte (inflexible *[1]), et exige la sainteté des mœurs, quoique toute la perfection morale à laquelle l’homme puisse arriver ne soit jamais que la vertu, c’est-à-dire la résolution d’agir conformément à la loi par respect pour elle. L’homme en effet a conscience d’être continuellement entraîné par ses penchants à violer cette loi, ou tout au moins voit-il que

    périence ne peut être adéquat, les idées morales ne sont pas pour cela, comme les idées de la raison spéculative, quelque chose de transcendant, c’est-à-dire quelque chose dont nous ne pouvons pas même déterminer suffisamment le concept, ou dont il est incertain s’il y a en général un objet correspondant ; mais, comme types de la perfection pratique, elles fournissent la règle indispensable à la moralité de la conduite et servent en même temps de mesure de comparaison. Si l’on considère la morale chrétienne par son côté philosophique, et qu’on la rapproche des écoles grecques, on peut les caractériser en disant que les idées des cyniques, des épicuriens, des stoïciens et des chrétiens sont la simplicité de la nature, la prudence, la sagesse et la sainteté. Quant au chemin à suivre pour y arriver, les écoles grecques se distinguaient entre elles, en ce que les cyniques se contentaient du sens commun, tandis que les deux autres ne croyaient pouvoir se passer de la science ; mais les uns et les autres trouvaient suffisant l’usage des forces naturelles. La morale chrétienne au contraire, par la pureté et la sévérité qu’elle donne à ses préceptes (comme il convient en effet), ôte à l’homme la confiance d’y être parfaitement adéquat, du moins dans cette vie, mais en revanche elle nous laisse espérer que, si nous agissons aussi bien qu’il est en notre pouvoir, ce qui n’est pas en notre pouvoir aura lieu d’une autre manière, que nous sachions ou non comment. Aristote et Platon ne se distinguent que relativement à l’origine de nos concepts moraux.

  1. * unnachsichtlich.