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DU CONCEPT DU SOUVERAIN BIEN.


de détermination, qui doivent être entièrement indépendants de la nature et de l’accord de la nature avec notre faculté de désirer (comme mobiles). D’un autre côté, l’être raisonnable agissant dans le monde n’est pas non plus cause du monde et de la nature même. La loi morale ne saurait donc fonder par elle-même un accord nécessaire et juste entre la moralité et le bonheur dans un être qui, faisant partie du monde, en dépend, et ne peut, par conséquent, être la cause de cette nature et la rendre par ses propres forces parfaitement conforme, en ce qui concerne son bonheur, à ses principes pratiques. Et pourtant, dans le problème pratique que nous prescrit la raison pure, c’est à-dire dans la poursuite nécessaire du souverain bien, cet accord est postulé comme nécessaire : nous devons chercher à réaliser le souverain bien (qui, par conséquent, doit être possible). Donc l’existence d’une cause de toute la nature, distincte de la nature même et servant de principe à cet accord, c’est-à-dire à la juste harmonie du bonheur et de la moralité, est aussi postulée. Mais cette cause suprême doit contenir le principe de l’accord de la nature, non pas simplement avec une loi de la volonté des êtres raisonnables, mais avec la représentation de cette loi, en tant qu’ils en font le motif suprême de leur volonté, et, par conséquent, non pas simplement avec la forme des mœurs, mais avec la moralité même comme principe déterminant, c’est-à-dire avec l’intention morale. Donc le souverain bien n’est possible dans le monde qu’autant qu’on admet une nature suprême douée d’une causalité con-