Page:Kant-Critique de la raison pratique, trad. Barni, 1848.djvu/329

Cette page a été validée par deux contributeurs.
320
315
CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


raison seule, le principe du sentiment du plaisir, et celle-ci est une détermination pratique pure, et non pas esthétique, de la faculté de désirer. Mais, comme cette détermination produit intérieurement le même effet, la même tendance à l’activité, que le sentiment du plaisir qu’on attend de l’action désirée, on voit qu’il est aisé de prendre ce que nous faisons nous-mêmes pour quelque chose que nous ne faisons que sentir et où nous sommes passifs, et le mobile moral pour l’attrait sensible, et de tomber ici dans une illusion (du sens intime) semblable à celles des sens extérieurs. C’est quelque chose de tout à fait sublime que cette propriété qu’a la nature humaine de pouvoir être immédiatement déterminée à agir par une loi purement rationnelle, et même que cette illusion qui nous fait prendre ce qu’il y a de subjectif dans cette propriété intellectuelle de la volonté pour quelque chose d’esthétique et pour l’effet d’un sentiment particulier de la sensibilité (car un sentiment intellectuel serait une contradiction). Aussi est-il fort important de donner la plus grande attention à cette propriété de notre personnalité, et de cultiver le mieux possible l’effet de la raison sur ce sentiment. Mais il faut bien prendre garde aussi de rabaisser et de défigurer, comme par une sorte de fausse folie, le véritable mobile, la loi même, en lui donnant pour principe le sentiment de certains plaisirs particuliers (qui n’en sont que la conséquence), et en la vantant faussement à ce titre. Le respect, je ne dis pas la jouissance du bonheur, est donc quelque chose à quoi l’on ne peut supposer de sentiment anté-