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DU CONCEPT DU SOUVERAIN BIEN.


tion morale qu’il porterait contre lui-même, l’empêcheraient de jouir de tout ce que son état pourrait d’ailleurs avoir d’agréable). Mais la question est de savoir comment cette intention, cette manière d’estimer la valeur de son existence est d’abord possible, puisque l’on ne peut trouver antérieurement dans le sujet aucun sentiment d’une valeur morale. Sans doute l’homme vertueux ne sera jamais content de la vie, quelque favorablement que le sort le traite dans son état physique, si en chacune de ses actions il n’a conscience de son honnêteté, mais, pour commencer à le rendre vertueux, et, par conséquent, avant qu’il n’estime si haut la valeur morale de son existence, peut-on lui vanter la paix de l’âme, qui résultera de la conscience d’une honnêteté dont il n’a encore aucun sentiment ?

Mais, il faut en convenir, nous sommes réellement exposés ici à tomber dans cette faute qu’on appelle vitium subreptionis, et le plus habile ne peut entièrement éviter cette sorte d’illusion d’optique qui nous fait confondre dans la conscience de nous-mêmes ce que nous faisons avec ce que nous sentons. L’intention morale est nécessairement liée à la conscience d’une volonté déterminée immédiatement par la loi. Or la conscience d’une détermination de la faculté de désirer est toujours le principe d’une satisfaction attachée à l’action qui en résulte ; mais ce n’est pas ce plaisir, cette satisfaction en elle-même qui est le principe déterminant de l’action ; c’est au contraire la détermination de la volonté qui est immédiatement, par la