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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


soumis à des conditions mécaniques relativement à la même action, il semble aussi nécessaire, aussitôt qu’on admet Dieu comme cause première *[1] universelle, d’accorder qu’il est la cause de l’existence de la substance même (proposition qu’on ne peut rejeter sans rejeter en même temps le concept de Dieu comme être des êtres, et par là cet attribut qu’il a de suffire à tout *[2] et sur lequel repose la théologie tout entière). Dès lors les actions de l’homme ont leur cause déterminante en quelque chose qui est tout à fait hors de son pouvoir, c’est-à-dire dans la causalité d’un être suprême distinct de lui, de qui dépend absolument son existence et toutes les déterminations de sa causalité. Dans le fait, si les actions de l’homme, en tant qu’elles appartiennent à ses déterminations dans le temps, n’étaient pas de simples déterminations de l’homme comme phénomène, mais des déterminations de l’homme comme chose en soi, la liberté ne pourrait être sauvée. L’homme serait comme une marionnette ou comme un automate de Vaucanson, construit et mis en mouvement par le suprême ouvrier. La conscience de lui-même en ferait sans doute un automate pensant, mais il serait la dupe d’une illusion, en prenant pour la liberté la spontanéité dont il aurait conscience, car celle-ci ne mériterait ce nom que relativement, puis que, si les causes prochaines qui le mettraient en mouvement et toute la série de ces causes, en remontant à leurs causes déterminantes, étaient intérieures, la cause dernière et suprême devrait être placée dans

  1. * Ur wesen.
  2. * Allgenu gramkeit.