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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


aurait pu ne pas être faite, parce que la loi dit qu’elle aurait dû ne pas l’être ? En d’autres termes, comment peut-on considérer un homme comme étant dans le même point du temps, et relativement à la même action, libre à la fois et soumis à une nécessité physique inévitable ? Cherchera-t-on à éluder cette difficulté, en ramenant le mode des causes qui déterminent notre causalité, suivant la loi de la nature, à un concept comparatif de la liberté (d’après lequel on appelle quelquefois libre un effet dont la cause déterminante réside intérieurement dans l’être agissant, comme quand on parle du libre mouvement d’un corps lancé dans l’espace, parce que ce corps, dans son trajet, n’est poussé par aucune force extérieure, ou comme on appelle libre le mouvement d’une montre, parce qu’elle pousse elle-même ses aiguilles, et que celles-ci, par conséquent, ne sont pas mues par une force extérieure ; de même, quoique les actions de l’homme soient nécessitées par leurs causes déterminantes, qui précèdent dans le temps, nous les appelons libres, parce que ces causes sont des représentations intérieures, produites par notre propre activité, ou des désirs excités par ces représentations suivant les circonstances, et que, par conséquent, les actions qu’elles déterminent sont produites selon notre propre désir). Mais c’est là un misérable subterfuge, dont quelques esprits ont encore la faiblesse de se contenter, et c’est se payer de mots que de croire qu’on a résolu ainsi ce difficile problème, sur lequel tant de siècles ont travaillé en vain, et dont, par conséquent, il n’est