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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


consiste à sortir, suivant certains principes, des limites de la raison humaine, le fanatisme moral consiste à transgresser les bornes que la raison pure pratique pose à l’humanité, en nous défendant de placer le principe subjectif qui doit déterminer les actions conformes au devoir, c’est-à-dire leur mobile moral, ailleurs que dans la loi même, et l’intention que nous devons porter dans nos maximes, ailleurs que dans le respect de cette loi, et, par conséquent, en nous ordonnant de prendre pour principe vital *[1] et suprême de toute moralité humaine la pensée du devoir, qui confond toute présomption, comme tout vain amour de soi.

Ce ne sont pas seulement les faiseurs de romans, ou ceux qui écrivent des livres sentimentaux sur l’éducation (tout en s’emportant contre la sensiblerie), mais parfois aussi les philosophes, et même les plus sévères de tous, les stoïciens, qui, à une discipline morale, sobre, mais sage, substituent le fanatisme moral, quoique le fanatisme des derniers soit plus héroïque, et celui des premiers plus fade et plus tendre, et l’on peut, sans aucune hypocrisie et avec une parfaite vérité, louer la morale de l’Evangile d’avoir la première, en posant le principe moral dans toute sa pureté, et, en l’appropriant en même temps à la nature bornée des êtres finis, soumis toute la conduite de l’homme à la discipline d’un devoir, qui, placé devant ses yeux, ne lui permet pas de s’attribuer une perfection morale chimérique, et d’avoir ainsi rappelé à la modestie (c’est à-dire à la connaissance de soi-même) la présomption

  1. * Lebensprinzip.