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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


vient, même immédiatement dans la pratique de nos devoirs envers les hommes, afin d’arrêter, ou, s’il est possible, de prévoir le fanatisme purement moral qui s’empare de beaucoup d’esprits. Le degré moral où est placé l’homme (et, autant que nous en pouvons juger, toute créature morale), c’est le respect pour la loi morale. La disposition où il est obligé d’être dans l’observation de cette loi, c’est de la suivre par devoir, et non d’agir sous l’impulsion de quelque inclination spontanée, ni même d’aimer à tenter de soi-même un effort qui ne serait pas ordonné, et l’état moral, qui lui convient et où il peut toujours demeurer, c’est la vertu, c’est-à-dire la moralité dans la lutte, et non la sainteté, qui consiste dans la possession d’une parfaite pureté d’intention. C’est jeter les esprits dans un fanatisme moral et exalter leur présomption, que de leur présenter les actions, auxquelles on veut les engager, comme nobles, sublimes, magnanimes, car on leur fait croire que le principe qui doit déterminer leur conduite n’est pas le devoir, c’est-à-dire le respect pour la loi, dont ils devraient porter le joug, malgré la peine que cela leur donne (quoique ce joug, nous étant imposé par la raison même, soit doux), et devant laquelle ils se sentent humiliés, tout en la suivant (en lui obéissant), mais qu’on attend d’eux ces actions comme un pur mérite *[1] de leur part, non comme un devoir. En donnant aux actions ce caractère, ou en mettant un tel principe en avant, outre qu’on ne satisfait pas le moins du monde à l’esprit de la loi, qui veut la soumission de l’intention,

  1. * als baarer Verdienst.