Page:Kant-Critique de la raison pratique, trad. Barni, 1848.djvu/273

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
264
CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


de l’amour pratique. Aimer Dieu signifie dans ce sens aimer à suivre ses commandements ; aimer le prochain, aimer à remplir tous ses devoirs envers lui. Mais l’ordre qui nous en fait une règle ne peut pas non plus nous commander d’avoir cette disposition d’esprit, en nous conformant au devoir, mais seulement d’y tendre. En effet l’ordre d’aimer à faire une chose implique contradiction ; car si nous savons déjà par nous-mêmes ce que nous avons à faire et que nous ayons en outre conscience d’aimer à le faire, un ordre à cet égard est tout à fait inutile, et si nous n’aimons pas à le faire, mais que nous ne le fassions que par respect pour la loi, un ordre qui ferait de ce respect le mobile de notre maxime agirait tout juste contrairement à la disposition ordonnée. Cette loi de toutes les lois présente donc, ainsi que tous les préceptes moraux de l’Evangile, la moralité dans toute sa perfection, comme un idéal de sainteté qu’aucune créature ne peut atteindre, et qui pourtant est le type dont nous devons tendre à nous rapprocher par un progrès continu, mais sans fin. Si une créature raisonnable pouvait jamais aller jusqu’à aimer à suivre toutes les lois morales, il ne s’élèverait plus en elle un seul désir qui la poussât à les violer, car la victoire remportée sur un désir de ce genre suppose toujours un sacrifice de la part du sujet, et, par conséquent, une contrainte exercée sur soi-même, pour faire ce qu’on n’aime pas faire. Mais une créature ne peut jamais s’élever à ce degré de moralité. En effet, comme, en sa qualité de créature, elle est toujours dépendante