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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


alors d’être un ordre pour nous, puisque nous ne pourrions plus être tentés de lui être infidèles).

La loi morale est en effet pour la volonté d’un être tout parfait une loi de sainteté ; mais pour la volonté de tous les êtres raisonnables finis elle est une loi de devoir, une loi qui leur impose une contrainte morale et les détermine à agir par respect pour elle et par soumission au devoir. On ne peut prendre pour mobile aucun autre principe subjectif, car autrement l’action que prescrit la loi pourrait bien avoir lieu ; mais, comme cette action, toute conforme qu’elle serait au devoir, ne serait pas faite par devoir, l’intention, à laquelle s’adresse proprement cette législation, ne serait pas morale.

Il est très-beau de faire du bien aux hommes par humanité et par sympathie, ou d’être juste par amour de l’ordre, mais ce n’est pas là encore la vraie maxime morale qui doit diriger notre conduite, celle qui nous convient, à nous autres hommes. Il ne faut pas que, semblables à des soldats volontaires, nous ayons l’orgueil de nous placer au-dessus de l’idée du devoir, et de prétendre agir de notre propre mouvement, sans avoir besoin pour cela d’aucun ordre. Nous sommes soumis à la discipline de la raison, et dans nos maximes nous ne devons jamais oublier cette soumission, ni en rien retrancher. Il ne faut pas diminuer par notre présomption l’autorité qui appartient à la loi (quoiqu’elle vienne de notre propre raison), en plaçant ailleurs que dans la loi même et dans le respect que nous lui devons le principe déterminant de notre