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DES MOBILES DE LA RAISON PURE PRATIQUE


appelons l’intérêt moral, de même que la faculté de prendre un tel intérêt à la loi (ou le respect pour la loi morale même) est proprement le sentiment moral.

La conscience d’une libre soumission de la volonté à la loi, mais accompagnée pourtant d’une contrainte *[1] inévitable, exercée sur tous nos penchants par notre propre raison, est donc le respect pour la loi. La loi, qui exige et inspire aussi ce respect, n’est autre, comme on le voit, que la loi morale (car seule celle-ci a le privilège d’exclure tous les penchants de l’influence immédiate qu’elle exerce sur la volonté). L’action, qui est objectivement pratique suivant cette loi, et qui exclut tout principe de détermination tiré de l’inclination, s’appelle devoir, et le devoir, à cause de cette exclusion même, emporte le concept d’une contrainte **[2] pratique, c’est-à-dire d’actions auxquelles nous devons nous déterminer, quelque peine ***[3] que cela nous coûte. Le sentiment, qui résulte de la conscience de cette contrainte, n’est pas pathologique, comme un sentiment qui serait produit par un objet des sens, mais il est pratique, c’est-à-dire que le principe de sa possibilité est dans une détermination antérieure (objective) de la volonté et dans une causalité de la raison. Comme soumission à une loi, c’est-à-dire comme ordre reçu (qui dit ordre dit contrainte exercée sur un sujet sensible),

  1. * Zwang.
  2. ** Nöthigung. Le mot français contrainte traduit également les deux mots allemands Zwang et Nöthigung, suivant qu’on le prend au sens actif ou au sens passif, car il a ces deux sens. J. B.
  3. *** so ungern.