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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.

mal[1] ne doit pas être déterminé antérieurement à la loi morale (à laquelle, suivant l’apparence, il devrait servir de fondement), mais seulement (comme il arrive ici) après cette loi et par cette loi. Si nous ne savions pas que le principe de la moralité est une loi pure, déterminant a priori la volonté, il faudrait, pour ne pas admettre des principes gratuits (gratis), laissa au moins d’abord indécise la question de savoir si la volonté n’a que des principes de détermination empiriques, ou si elle n’en a pas aussi qui soient purement a priori ; car il est contraire à toutes les règles de la méthode philosophique de commencer par admettre comme chose jugée ce qui est précisément en question. Supposez maintenant que nous voulions débuter par le concept du bien, pour en dériver les lois de la volonté, ce concept d’un objet (conçu comme bon) nous le donnerait en même temps comme le seul principe déterminant de la volonté. Et, comme ce concept n’aurait pour règle aucune loi pratique a priori, la pierre de touche du bien et du mal ne pourrait être placée ailleurs que dans l’accord de l’objet avec notre sentiment de plaisir ou de peine, et la raison n’aurait d’autre fonction que de déterminer, d’une part, le rapport de chaque plaisir ou de chaque peine avec l’ensemble de toutes les sensations de notre existence, et, d’autre part, les moyens de nous en pro curer les objets. Or, comme l’expérience seule peut montrer ce qui est favorable au sentiment du plaisir, et que la loi pratique, suivant la donnée, doit être fon-

  1. Gute et Böse.