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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.

La langue allemande a le bonheur de posséder des expressions qui ne laissent pas échapper cette différence. Pour désigner ce que les Latins expriment par un seul mot bonum, elle a deux expressions très-distinctes, qui désignent deux concepts très-distincts. Pour le mot bonum, elle a les deux mots Gute et Wohl ; pour le mot malum, les deux mots Böse et Übel (ou Weh) : en sorte que ce sont deux choses tout à fait différentes que de considérer dans une action ce qu’elle appelle Gute et Böse, ou ce qu’elle appelle Wohl et Weh (Übel] *[1]. La proposition psychologique que nous venons de citer est au moins très-incertaine, lorsqu’on la traduit ainsi : nous ne désirons rien que ce que nous tenons pour bon ou pour mauvais dans le sens de Wohl et de Weh ; au contraire, elle est indubitablement certaine, lorsqu’on l’interprète ainsi : nous ne voulons rien, selon la raison, que ce que nous tenons pour bon ou pour mauvais dans le sens de Gute et de Böse,

Le bien et le mal désignés par les mots Wohl et Übel indiquent toujours un rapport des objets à ce qu’il peut y avoir d’agréable ou de désagréable, de doux ou de pénible dans notre état, et si, nous dési-

    voulons une chose sous l’idée du bien ; dans le second, que nous la voulons en conséquence de cette idée, qui doit précéder le vouloir comme son principe déterminant.

  1. * La langue française a le même défaut que la langue latine : elle exprime en un seul et même mot bien ou mal des idées fort différentes, pour lesquelles, comme on vient de le voir, la langue allemande a des mots distincts. Aussi me trouvé-je fort embarrassé pour traduire tout ce passage où Kant marque la différence des idées par celle des mots.
    J. B.