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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


mécanisme de la nécessité physique le droit de remonter à l’infini de condition en condition, et, d’un autre côté, je tiens ouverte à la raison spéculative une place qui reste vide pour elle, mais où l’on peut transporter l’inconditionnel, c’est-à-dire la place de l’intelligible. Mais je ne pouvais réaliser cette pensée, c’est-à-dire la convertir en connaissance d’un être agissant ainsi, même relativement à sa possibilité. Or la raison pure pratique remplit cette place vide par une loi déterminée de la causalité dans un monde intelligible (de la causalité libre), c’est-à-dire par la loi morale.

La raison spéculative n’y gagne pas à la vérité une vue plus étendue, mais elle y trouve la garantie *[1] de son concept problématique de la liberté, auquel on attribue ici une réalité objective, qui, pour n’être que pratique, n’en est pas moins indubitable. Le concept même de la causalité, qui (comme le prouve la critique de la raison pure) n’a véritablement d’application et, par conséquent, de sens que relativement aux phénomènes, qu’il réunit pour les convertir en expériences, n’est pas étendu à ce point par la raison pratique, que son usage dépasse ces limites. Car si elle allait jusque-là, elle montrerait comment peut être employé synthétiquement le rapport logique de principe à conséquence dans une autre espèce d’intuition que l’intuition sensible, c’est-à-dire comment est possible une causa noumenon. Mais elle ne peut le faire et elle n’y songe pas non plus, comme raison pratique. Elle se borne à placer le principe dé-

  1. * Sicherung.