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DES PRINCIPES DE LA RAISON PURE PRATIQUE.


pure dont nous avons conscience a priori et qui est apodictiquement certain, quand même on ne pourrait trouver dans l’expérience un seul exemple où elle fut exactement pratiquée. Aucune déduction ne peut donc démontrer la réalité objective de la loi morale, quel qu’effort que fasse pour cela la raison théorique ou spéculative, même avec le secours de l’expérience ; et, par conséquent, quand même on renoncerait à la certitude apodictique, on ne pourrait la confirmer par l’expérience et la démontrer a posteriori, ce qui ne l’empêche pas d’ailleurs d’être par elle-même fort solide.

Mais, à la place de cette déduction vainement cherchée du principe moral, nous trouvons quelque chose de bien différent et de tout à fait singulier : c’est qu’en revanche, ce principe sert lui-même de fondement à la déduction d’une faculté impénétrable *[1], qu’aucune expérience ne peut prouver, mais que la raison spéculative (dans l’emploi de ses idées cosmologiques, pour trouver l’absolu de la causalité et éviter par là de tomber en contradiction avec elle-même) devait du moins admettre comme possible ; je veux parler de la liberté, dont la loi morale, qui elle-même n’a besoin d’être justifiée par aucun principe, ne prouve pas seulement la possibilité, mais la réalité dans les êtres qui reconnaissent cette loi comme obligatoire pour eux. La loi morale est dans le fait une loi de la causalité libre **[2], et, par conséquent, de la possibilité d’une nature supra-sensible, de même que la loi métaphysique des événements dans le monde sensible était une loi de la causa-

  1. * unerforschlichen.
  2. ** Causalitat durch Freiheit.