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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


au moyen de ces lois, et que, par conséquent, toute expérience possible doit être conforme à ces lois. Mais dans la déduction du principe moral je ne puis suivre la même marche. Il ne s’agit plus ici de la connaissance de la nature des objets qui peuvent être donnés à la raison par quelque autre voie, mais d’une connaissance qui peut être le principe de l’existence des objets mêmes, et de la causalité de la raison dans un être raisonnable, ce qui veut dire que la raison pure peut être considérée comme une faculté déterminant immédiatement la volonté.

Or toute notre pénétration nous abandonne, dès que nous arrivons aux forces ou aux facultés premières ; car rien ne peut nous en faire concevoir la possibilité, et il ne nous est pas permis non plus de la feindre et de l’admettre à notre gré. C’est pourquoi dans l’usage théorique de la raison l’expérience seule pouvait nous autoriser à l’admettre. Mais ce remède *[1] qui consiste à substituer des preuves empiriques à une déduction partant de sources a priori de la connaissance, nous ne pouvons pas même l’employer ici, pour expliquer la possibilité de la raison pure pratique. Car une chose qui a besoin de tirer de l’expérience la preuve de sa réalité doit dépendre, quant aux principes de sa possibilité, des principes de l’expérience ; or le concept même d’une raison pure et pourtant pratique ne nous permet pas de lui attribuer ce caractère. En outre la loi morale nous est donnée comme un fait de la raison

  1. * Surrogat, mot à mot succédané, terme de médecine qui signifie un remède qu’on peut substituer à un autre. J. B.