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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


doit pas être si difficile à discerner, que l’intelligence la plus ordinaire et la moins exercée ne puisse y parvenir, même sans aucune expérience du monde.

Il est toujours au pouvoir de chacun d’obéir aux ordres catégoriques de la moralité ; il est rare qu’on puisse suivre les préceptes empiriquement conditionnels du bonheur, et il s’en faut que, même relativement à un même but, cela soit possible pour tous. La raison en est que, dans le premier cas, il ne s’agit que de maximes qui doivent être pures, tandis que, dans le second, il s’agit d’appliquer ses forces et sa puissance physique pour produire un objet désiré. Il serait ridicule d’ordonner à chacun de chercher à se rendre heureux, car on n’ordonne jamais à quelqu’un ce qu’il veut inévitablement de lui-même. Tout ce qu’on peut faire est de lui prescrire ou plutôt de lui présenter les moyens à employer pour arriver à son but, car il ne peut pas tout ce qu’il veut. Mais il est tout à fait raisonnable de prescrire la moralité sous le nom de devoir ; car d’abord tous les hommes ne consentent pas volontiers à obéir à ses préceptes, lorsqu’ils sont en opposition avec leurs penchants, et, quant aux moyens de pratiquer cette loi, ils n’ont pas besoin d’être appris, puisque chacun, sous ce rapport, peut ce qu’il veut.

Celui qui a perdu au jeu peut s’affliger sur lui-même et sur son imprudence, mais celui qui a conscience d’avoir trompé au jeu (quoiqu’il ait gagné par ce moyen) doit se mépriser lui-même, lorsqu’il se juge au point de vue de la loi morale. Cette loi doit donc être tout