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DES PRINCIPES DE LA RAISON PURE PRATIQUE.


maintenir une théorie qui ne coûte aucune contention d’esprit *[1].

Supposez qu’un de vos amis croie se justifier auprès de vous d’avoir porté un faux témoignage, en alléguant d’abord le devoir, sacré à ses yeux, du bonheur personnel, en énumérant ensuite tous les avantages qu’il s’est procurés par ce moyen, enfin en vous indiquant les précautions qu’il emploie pour échapper au danger d’être découvert, même par vous, à qui il ne révèle ce secret que parce qu’il pourra le nier en tout temps, et qu’il prétende sérieusement s’être acquitté d’un véritable devoir d’humanité ; ou vous lui ririez au nez, ou vous vous éloigneriez de lui avec horreur, et pourtant, si on ne fonde ses principes que sur son avantage personnel, il n’y a pas la moindre chose à objecter. Supposez encore qu’on vous recommande un intendant, à qui vous pourrez, vous dit-on, confier aveuglément toutes vos affaires, et que, pour vous inspirer de la confiance, on vous le vante comme un homme prudent qui entend à merveille ses propres intérêts, et dont l’infatigable activité ne laisse échapper aucune occasion de les servir, qu’enfin, pour ne pas vous laisser craindre de ne trouver en lui qu’un grossier égoïsme, on vous assure qu’il sait vivre élégamment, qu’il cherche son plaisir, non dans l’avarice ou la débauche, mais dans la culture de son esprit, dans le commerce des hommes distingués et instruits, et même dans la bienfaisance, mais que d’ailleurs il n’est pas très-scrupuleux sur les moyens (pensant que les

  1. * Kopfbrechen.