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DES PRINCIPES DE LA RAISON PURE PRATIQUE.


tence de l’objet serait alors la cause qui déterminerait la volonté, et qu’il faudrait donner pour principe au vouloir la dépendance de la faculté de désirer par rapport à l’existence de quelque chose, dépendance dont on ne peut chercher la cause que dans des conditions empiriques, et qui, par conséquent, ne peut servir de fondement à une règle nécessaire et universelle. C’est ainsi que le bonheur d’autrui pourra être l’objet de la volonté d’un être raisonnable. Que s’il était le principe déterminant de sa maxime, il faudrait supposer que le bonheur d’autrui est pour lui, non-seulement un plaisir naturel, mais un besoin, comme est en effet la sympathie chez les hommes. Mais ce besoin, je ne puis le supposer en tout être raisonnable (en Dieu par exemple). La matière de la maxime peut donc subsister, mais elle ne doit pas en être la condition, car autrement celle-ci n’aurait plus la valeur d’une loi. Par conséquent, la forme d’une loi, à laquelle la matière est subordonnée, nous permet bien d’ajouter cette matière à la volonté, mais non pas de la supposer. Que, par exemple, la matière soit mon bonheur personnel ; si j’attribue à chacun le même désir (comme je le puis faire à l’égard des êtres finis), le bonheur ne peut être une loi pratique objective, que si j’y comprends aussi le bonheur d’autrui. La loi qui ordonne de travailler au bonheur d’autrui ne résulte donc pas de cette supposition que le bonheur est un objet de désir pour chacun, mais de ce que la forme de principe universel, dont la raison a besoin, comme d’une condition nécessaire, pour donner à une maxime de l’amour de soi