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DES PRINCIPES DE LA RAISON PURE PRATIQUE.


peut recevoir la forme d’une loi, et, par conséquent, si je puis la convertir en cette loi : il est permis à chacun de nier un dépôt, dont personne ne peut fournir la preuve. Je m’aperçois aussitôt qu’un tel principe se détruirait lui-même comme loi, car il ferait qu’il n’y aurait plus de dépôt. Une loi pratique, que je reconnais pour telle, doit avoir la qualité d’un principe de législation universelle ; c’est là une proposition identique, et, par conséquent, claire par elle-même. Or je soutiens que, si ma volonté est soumise à une loi pratique, je ne puis donner mon inclination (par exemple, dans le cas présent, ma convoitise) pour un principe de détermination propre à former une loi pratique universelle, car, bien loin de pouvoir être érigée en un principe de législation universelle, elle se détruit elle-même au contraire, lorsqu’on cherche à lui donner cette forme.

Aussi, quoique le désir du bonheur et la maxime par laquelle chacun fait de ce désir un principe de détermination pour sa volonté soient universels, est-il étonnant qu’il soit tombé dans l’esprit d’hommes intelligents de donner ce principe pour une loi pratique universelle. En effet, si l’on donnait à cette maxime l’universalité d’une loi, au lieu de l’ordre qu’une loi universelle de la nature établit partout ailleurs, on aurait tout juste le contraire, un désordre extrême, où disparaîtraient complètement la maxime elle-même et son but. La volonté de tous n’a pas, sous ce rapport, un seul et même objet, mais chacun a le sien (son propre bien-être, qui peut bien s’accorder accidentellement