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DES PRINCIPES DE LA RAISON PURE PRATIQUE.

car une loi, en tant qu’objective, fournirait à la volonté le même principe de détermination dans tous les cas et pour tous les êtres raisonnables. Par conséquent, quoique le concept du bonheur serve partout de fondement au rapport pratique des objets avec la faculté de désirer, il n’est que le titre général des principes subjectifs de détermination, et il ne détermine rien spécifiquement, ce qui est pourtant la seule chose dont il s’agisse dans ce problème pratique et le seul moyen de le résoudre. Chacun place son bonheur en ceci ou en cela suivant son sentiment particulier de plaisir ou de peine, et le même sujet éprouvera des besoins différents suivant les variations de ce sentiment, et c’est ainsi qu’une loi, subjectivement nécessaire (comme loi de la nature), est, objectivement, un principe pratique entièrement contingent, qui peut et doit être très-différent en différents sujets, et qui par conséquent, ne peut fournir une loi, puisque dans le désir du bonheur il ne s’agit pas de la forme de la loi, mais de sa matière, c’est-à-dire de la question de savoir si je dois attendre du plaisir de l’observation de la loi et quelle somme de plaisir. Les principes de l’amour de soi peuvent, il est vrai, contenir des règles universelles d’habileté (à trouver les moyens d’atteindre les buts qu’on se propose), mais ce ne sont alors que des principes théoriques[1], comme, par exemple, que celui qui veut

  1. Les propositions que, dans les mathématiques ou dans la physique, on appelle pratiques devraient être appelées proprement techniques. En effet il ne s’agit pas, dans ces sciences, de la détermination de la volonté ; et ces propositions se bornent à déterminer les conditions