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DES PRINCIPES DE LA RAISON PURE PRATIQUE.

tif, qui ne sera plus désormais à sa disposition, pour ne pas perdre une partie de chasse ; s’en aller au milieu d’un beau discours, pour ne pas arriver trop tard à un repas ; quitter une conversation grave, dont il fait d’ailleurs grand cas, pour se placer à une table de jeu ; même repousser un pauvre, auquel il aime ordinairement à faire l’aumône, parce qu’en ce moment il a tout juste dans sa poche l’argent nécessaire pour payer son entrée à la comédie. Si la détermination de sa volonté repose sur le sentiment du plaisir ou de la peine qu’il attend d’une certaine chose, peu lui importe par quel mode de représentation il est affecté. Tout ce qu’il lui faut pour se résoudre, c’est de savoir quelle est l’intensité et quelle est la durée de ce plaisir, jusqu’à quel point il est facile de se le procurer, et si on peut le renouveler souvent. Comme celui qui dépense l’or ne s’inquiète pas de savoir si la matière en a été extraite du sein de la terre ou trouvée dans le sable des rivières, pourvu qu’il ait partout la même valeur, de même celui qui ne songe qu’aux jouissances de la vie ne cherche pas si ce sont des représentations de l’entendement ou des représentations des sens qui lui procurent ces jouissances, mais quel en est le nombre, l’intensité et la durée ? Il n’y a que ceux qui contestent à la raison pure la faculté de déterminer la volonté sans s’appuyer sur aucun sentiment, qui peuvent s’écarter de leur propre définition, au point de regarder comme tout à fait hétérogènes des choses qu’eux-mêmes avaient rapportées d’abord à un seul et même principe. Ainsi, par exemple, le simple exercice de


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