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PRÉFACE.


des idées données, c’est prendre une peine puérile pour se distinguer, à défaut de pensées neuves et vraies, en cousant une nouvelle pièce à un vieil habit. Si donc les lecteurs de cet écrit savent et peuvent indiquer des expressions plus populaires, qui soient aussi bien appropriées à la pensée que celles que j’emploie me paraissent l’être, ou si même ils croient pouvoir prouver la futilité *[1] de cette pensée, et, par conséquent aussi, de l’expression qui la désigne, qu’ils ne craignent pas de le faire : dans le premier cas, ils me rendront un grand service, car je n’ai rien plus à cœur que d’être compris ; et, dans le second, ils mériteront bien de la philosophie. Mais tant que ces pensées subsisteront, je doute fort qu’on puisse trouver pour les rendre des expressions aussi justes et en même temps plus répandues 1[2].

Ainsi donc nous aurions maintenant trouvé les prin-

  1. * die nichligkeit.
  2. 1 Il y a une chose que je crains plus ici (que ce reproche d’obscurité), c’est qu’on se méprenne sur le sens de quelques expressions que j’ai choisies avec le plus grand soin pour bien faire saisir le concept que je voulais désigner. Ainsi, dans le tableau des catégories de la raison pratique, sous le titre de la modalité, le licite * (* Erlaubte.) et l’illicite ** (** Unerlaubte.) (ce qui est possible ou impossible, d’une possibilité ou d’une impossibilité pratiquement objective), ont pour la langue vulgaire presque le même sens que le devoir et le contraire au devoir *** (*** Pflichtwidrig.) ; mais ici les premières expressions désignent ce qui est conforme ou contraire à un précepte pratique purement possible (comme, par exemple, la solution de tous les problèmes de la géométrie et de la mécanique) ; les secondes, ce qui est conforme ou contraire à une loi qui réside réellement dans la raison en général ; et cette différence de signification n’est pas absolument étrangère au langage vulgaire, quoiqu’elle soit peu usitée. Par