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FONDEMENTS


appartient au monde sensible, et qui sert à restreindre le principe des mobiles sortant du champ de la sensibilité, en limitant ce champ et en montrant qu’il n’est pas tout, et qu’il y a encore quelque chose au delà ; mais ce quelque chose, je ne le connais pas autrement. De la raison pure, qui conçoit cet idéal, il ne me reste, après avoir fait abstraction de toute matière, c’est-à-dire de la connaissance des objets, autre chose que la forme, c’est-à-dire la loi pratique de la validité universelle des maximes, et c’est ainsi que je conçois la raison comme cause efficiente possible dans un monde purement intelligible, c’est-à-dire comme cause déterminant la volonté conformément à cette loi ; or ici le mobile doit manquer entièrement, à moins que cette idée d’un monde intelligible ne soit elle-même le mobile, ou ce à quoi la raison prend originairement un intérêt ; mais l’explication de cela est précisément le problème que nous ne pouvons résoudre.

Nous touchons ici à la dernière limite de toute recherche morale. Il était de la plus haute importance de la fixer, afin d’empêcher la raison, d’une part, de chercher dans le monde sensible, au préjudice de la moralité, le principe suprême de la volonté et un intérêt saisissable mais empirique, et, d’autre part, d’agiter inutilement ses ailes, sans pouvoir changer de place, dans cet espace, vide pour elle, de concepts transcendantaux, qu’on appelle le monde intelligible, et de se perdre au milieu des chimères. D’ailleurs l’idée d’un monde intelligible pur, considéré comme un ensemble de toutes les intelligences, auquel nous appartenons nous-mê-