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FONDEMENTS


maxime comme loi. Que si la raison cherchait en outre à tirer du monde intelligible un objet de la volonté, c’est-à-dire un mobile, elle sortirait de ses limites, et se flatterait de connaître quelque chose, dont elle ne sait rien. Le concept d’un monde intelligible n’est donc qu’un point de vue, que la raison se voit forcée de prendre en dehors des phénomènes, pour se concevoir elle-même comme pratique, ce qui ne serait pas possible si la sensibilité exerçait sur l’homme une influence déterminante, mais ce qui est nécessaire si on ne lui refuse pas la conscience de lui-même en tant qu’intelligence, par conséquent, en tant que cause raisonnable et déterminée par la raison, c’est-à-dire en tant que cause agissant librement. Sans doute ce concept nous apporte l’idée d’un ordre de choses et d’une législation bien distincts de l’ordre et de la législation du mécanisme physique, qui est le caractère du monde sensible, et il nous présente comme nécessaire l’idée d’un monde intelligible (c’est-à-dire d’un ensemble d’êtres raison nables, en tant qu’êtres en soi), mais il ne nous permet pas d’en concevoir autre chose que la condition formelle, c’est-à-dire l’universalité des maximes de la volonté comme lois, par conséquent, l’autonomie de cette faculté, qui seule peut s’accorder avec sa liberté, tandis qu’au contraire toutes les lois qui sont déterminées par un objet donnent de l’hétéromie, laquelle ne peut se rencontrer que dans les lois de la nature et ne regarde que le monde sensible.

Mais où la raison transgresserait toutes ses limites, ce serait si elle entreprenait de s’expliquer comment la