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FONDEMENTS


vulgaire d’ébranler la liberté par des sophismes. Il faut donc bien supposer qu’il n’y a pas de contradiction réelle entre la liberté et la nécessité physique des mêmes actions humaines, car la raison ne peut pas plus renoncer au concept de la nature qu’à celui de la liberté.

Cependant, ne dût-on jamais comprendre comment la liberté est possible, il faut du moins dissiper d’une manière convaincante cette apparente contradiction. Car si l’idée de la liberté était contradictoire à elle même ou à celle de la nature, qui est également nécessaire, il faudrait la sacrifier entièrement à la nécessité physique.

Or il serait impossible d’échapper à cette contradiction, si le sujet, qui se croit libre, se concevait lui-même, lorsqu’il se proclame libre, dans le même sens ou sous le même rapport, que quand il se reconnaît, à l’égard de la même action, soumis à la loi de la nature. C’est donc un devoir rigoureux pour la philosophie spéculative de dissiper du moins l’illusion qui nous fait voir ici une contradiction, en montrant que, quand nous appelons l’homme libre, nous le concevons dans un autre sens et sous un autre rapport que quand nous le regardons comme soumis, en tant que membre de la nature, aux lois de cette nature même, et que non-seulement ces deux choses peuvent fort bien aller ensemble, mais qu’elles doivent même être conçues comme nécessairement unies dans le même sujet, puisqu’autrement on ne verrait pas pourquoi nous chargerions la raison d’une idée qui, sans être absolument inconci-