Page:Kant-Critique de la raison pratique, trad. Barni, 1848.djvu/115

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
106
FONDEMENTS


viennent du dehors, et où nous sommes passifs, et de celles que nous produisons de nous-mêmes, et où nous montrons notre activité), il s’ensuit nécessairement qu’on doit admettre derrière les phénomènes quelque autre chose encore, qui n’est pas phénomène, c’est-à dire les choses en soi, quoiqu’il faille bien avouer que nous ne pouvons les connaître que par la manière dont elles nous affectent, et non pas comme elles sont. De là la distinction que nous faisons, un peu grossièrement il est vrai, entre un monde sensible *[1] et un monde intelligible **[2], le premier qui varie suivant la différence de la sensibilité dans les divers spectateurs, le second qui, servant de fondement au premier, reste toujours le même. Cette distinction s’applique à l’homme même. D’après la connaissance qu’il a de lui-même par le sentiment intérieur, il ne peut se flatter de se connaître tel qu’il est en soi. Car, comme il ne se produit pas lui-même et que le concept qu’il a de lui même n’est pas a priori, mais qu’il le reçoit de l’expérience, ou du sens intime, il est clair qu’il ne connait sa nature que comme phénomène, c’est-à-dire par la manière dont sa conscience est affectée. Mais en même temps, au-dessus de cette collection de purs phénomènes qu’il trouve en son propre sujet, il doit nécessairement admettre quelque autre chose qui leur sert de fondement, c’est-à-dire son moi, quelle que puisse être sa nature intime, et, par conséquent, il doit se considérer, quant à la simple perception des phénomènes et à la réceptivité des sensations, comme appar-

  1. * Sinnenwelt.
  2. ** Vershaudeswelt.