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DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS


question, mais que, la portant au tribunal de la raison pure, s’il ne décide rien ici et laisse l’idée (d’une volonté bonne en soi) indéterminée, il la conserve du moins intacte, jusqu’à ce qu’on la détermine avec plus de précision.

Du reste je crois pouvoir me dispenser d’une réfutation étendue de toutes les doctrines fondées sur ces concepts. Cette réfutation est si facile, et ceux-là même, qui sont forcés par état de se déclarer pour l’une de ces théories (car les auditeurs ne souffrent pas volontiers la suspension du jugement), s’en font sans doute une si juste idée, que ce serait peine perdue d’y insister. Mais ce qui nous intéresse ici davantage, c’est de savoir que tous ces principes ne donnent à la moralité d’autre fondement que l’hétéronomie de la volonté, et que c’est précisément pour cela qu’ils manquent leur but.

Toutes les fois que la volonté a besoin d’un objet qui lui prescrive la règle qui la détermine, cette règle n’est autre chose que l’hétéronomie ; l’impératif est alors conditionnel, à savoir : si ou parce que je veux cet objet, je dois agir de telle ou telle manière ; et, par conséquent, il ne peut jamais prescrire un ordre moral, c’est-à-dire catégorique. Or que l’objet détermine la volonté au moyen de l’inclination, comme dans le principe du bonheur personnel, ou au moyen de la raison appliquée en général à des objets possibles de notre vouloir, comme dans le principe de la perfection, dans l’un et l’autre cas, la volonté ne se détermine pas immédiatement elle-même par la représentation de