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FONDEMENTS

Parmi les principes rationnels de la moralité, le concept ontologique de la perfection (si vide, si indéterminé, et partant si inutile qu’il soit, lorsqu’il s’agit de découvrir, dans le champ immense de la réalité possible, la plus grande somme de réalité convenable pour nous, et quoique, lorsqu’il s’agit de distinguer la réalité dont il est ici question de toute autre, il soit condamné à tourner dans un cercle, et ne puisse éviter de supposer tacitement la moralité, qu’il s’agit d’expliquer), ce concept, malgré ses défauts, est encore préférable au concept théologique, qui fait dériver la moralité d’une volonté divine absolument parfaite. Car nous n’avons pas l’intuition *[1] de cette perfection, et nous sommes réduits à la dériver de nos concepts, dont le principal est celui de la moralité ; ou, si nous ne voulons pas procéder ainsi (pour ne pas faire, comme il arriverait en effet, un cercle grossier dans notre explication), le seul concept de la volonté divine que nous pourrons donner pour fondement au système des mœurs sera celui d’une volonté possédée de l’amour de la gloire et de la domination, puissante et vindicative, partant redoutable, et rien ne serait plus contraire à la moralité.

Si maintenant il me fallait opter entre le concept du sens moral et celui de la perfection en général (lesquels, au moins, ne portent pas atteinte à la moralité, quoiqu’ils ne soient pas propres à lui servir de fondement), je donnerais la préférence au dernier, parce qu’il ne laisse pas à la sensibilité le soin de décider la

  1. * wir… nicht anschauen.