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Il essaya ses forces sur l’édifice vermoulu de l’empire du Milieu. La facilité même de sa victoire le désappointa. Il brûlait de se mesurer avec un ennemi plus digne de lui, car la campagne de 1894 avait été pour lui ce que la guerre du Danemark fut, trente ans auparavant, pour la Prusse rajeunie. Le commandant d’un de nos paquebots me racontait à ce sujet la réponse caractéristique d’un pilote japonais qu’il félicitait de la victoire de Weï-Haï-Weï.

— Nous ne serons contents, lui dit le sujet du Mikado, que lorsque nous aurons vaincu l’Allemagne sur terre et l’Angleterre sur mer.

Cet adversaire que cherchaient les Japonais, les événements ne devaient pas tarder à le mettre en face d’eux. Au lendemain même du traité de Chimonoceki, la Russie, se dressant devant eux, les obligea à abandonner le fruit de leur victoire. La rage au cœur, le Japon céda, mais il n’oublia pas. L’occupation de Port-Arthur par son nouvel ennemi vint encore augmenter sa rancune, et on peut dire que du jour où la croix de Saint-André flotta pour la première fois sur les collines du Liaotoung, arrosées trois ans plus tôt par le sang japonais, la guerre devenait absolument inévitable. Le Gouvernement mikadonal tenta vainement d’apaiser l’opinion publique ; il ne put résister au flot qui menaçait de l’engloutir.