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actuelle n’est pas finie, il se peut très bien que vous ne soyez pas toujours vainqueurs.

Après ce colloque, je quittai l’officier et allai chercher refuge dans un village plus en arrière. Un charitable colonel d’infanterie m’offrit la moitié de sa chambre, un peu de biscuit et une boîte de saumon conservé ; il était temps, depuis trente-six heures je n’avais mangé que quelques physalis non mûrs et des oignons crus volés dans un potager chinois.

Le lendemain, de bonne heure, je me dirigeai vers le nord où l’on m’assurait que je trouverais l’état-major de la quatrième armée, dont le chef, le général Ouéhara, était le seul officier japonais que j’avais connu en France. Un régiment de la 10e division, le 20e, marchait précisément de ce côté ; je résolus de le suivre et le vis tout entier défiler devant moi. Il était commandé par un chef de bataillon ; son colonel et son lieutenant-colonel avaient été tués par le même obus le 28 août à Anchantien. Ce régiment, dont les hommes traversaient gaiement un affluent du Taïtsého avec de l’eau jusqu’aux genoux, allait être presque entièrement détruit le lendemain sur les réseaux de fil de fer des redoutes de Liaoyang. À la fin de l’assaut définitif, un capitaine et deux lieutenants restaient seuls valides pour commander la poignée de héros épargnés par le feu. Le drapeau passa successivement entre les mains de six