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tenant tombe laide, la tête fracassée. Les sous-officiers ramènent péniblement leurs sections derrière la crête protectrice.

La bataille est gagnée ; l’assaut a duré exactement une heure et dix minutes. Les Russes ne tiennent plus que quelques points de la ligne pour opérer leur retraite à la faveur de la nuit.

Il n’y a plus rien à faire sur la colline. Je redescends vers le temple transformé en charnier : une suite ininterrompue de blessés défile, on les panse, puis ils sont évacués sur des hôpitaux mieux installés en arrière dans les fermes et les villages.

Vers le soir, un orage éclate et couvre le bruit de la canonnade mourante. Nous n’avons d’autre abri que la chapelle qui a servi pendant toute la journée de salle d’opérations. La statue brisée d’une divinité guerrière, badigeonnée d’écarlate et roulant des yeux terribles, domine la grande table, autrefois l’autel, sur laquelle, aujourd’hui, on a coupé tant de bras et de jambes. Nous nous y installons, couchés dans les couvertures de nos chevaux avec nos selles pour oreillers ; la lueur d’une bougie éclaire la face de l’idole mutilée. Elle paraît enfin apaisée par les centaines de victimes qu’on lui a apportées et dont le sang baigne encore les dalles du sanctuaire violé.

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