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se lève, les ténèbres qui se dissipent, la vie qui renaît dans la plaine. Mais déjà la guerre vient troubler la sérénité de ce radieux matin. À quelques kilomètres en avant, une batterie japonaise salue le soleil d’une première salve, et la canonnade commence. Autour de nous, les cadavres raidis des chevaux éventrés il y a deux jours par les obus nous forcent à prendre le galop pour éviter la pestilence que dégagent leurs entrailles putréfiées.

Un peu avant d’atteindre le cours du Tchaho, le sous-lieutenant Sataké nous fait quitter la grande route et tourner à droite. Nous passons derrière une colline où se tient l’état-major du général Okou ; le sentier que nous suivons se perd dans un chemin perpendiculaire à lui. À gauche, c’est l’ennemi ; à droite, Anchantien. C’est à droite que se dirige M. Sataké.

Toute notre colonne s’arrête ; je refuse de suivre l’officier qui me fait des signaux désespérés. Plusieurs correspondants ont mis pied à terre et s’asseyent sur un talus en déclarant qu’ils ne feront pas un centimètre en arrière. Les trois Japonais vont vers eux, descendent aussi de cheval et entament des pourparlers qui absorbent toute leur attention.

L’occasion est bonne, je crie « Sayonara » (au revoir) aux Nippons ébahis et pars à fond de train du côté du « front ». Plusieurs de mes collègues galo-