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attention à eux, et les Européens qui descendent du perron de la gare paraissent intéresser bien davantage les badauds de la capitale que leurs braves petits compatriotes qui vont affronter sur le continent les obus et la dysenterie. À Paris, les pacifiques sections qui vont relever la garde à l’Élysée ou à la Banque de France ont un bien autre succès.

Ma première visite est pour la Légation de France où je vais m’enquérir des démarches à faire pour suivre les opérations militaires. La gare en est séparée par le quartier central de la ville et mon itinéraire, après m’avoir fait passer par le faubourg populeux de Chimbachi, me conduit le long de l’enceinte de la résidence impériale.

L’aspect de Tokio donne une idée exacte de l’état social du pays. Passé en quelques années de la féodalité à une monarchie constitutionnelle, le Japon d’aujourd’hui nous montre à peu près ce qu’eût été la France des premiers Valois soumise sans transition au gouvernement de M. Loubet. Avant la restauration impériale de 1867 il n’y avait que deux classes dans la population, les nobles et leurs vassaux d’une part, la plèbe de l’autre. La fortune était très inégalement répartie entre quelques gros propriétaires et la foule misérable ; la réclusion absolue du Japon n’avait pas rendu possible le dévelop-