Page:Kann - Journal d'un correspondant de guerre en Extrême-Orient.djvu/191

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le ballast a fort bien résisté à la trombe d’eau. Je marche aussi vite que mes vêtements alourdis me le permettent lorsque, soudain, des coups de sifflet et des hurlements se font entendre derrière moi. Je me retourne ; une foule de coolies chinois environnant des wagons en pleine course se ruent en vociférant de mon côté ; j’ai juste le temps de m’écarter, le train-fantôme passe en me frôlant. Le dernier wagon allait disparaître quand une idée géniale me traverse l’esprit ; je cours, je bondis, et sans savoir comment, me voilà à bord d’un truc découvert, assis sur une pile de caisses entre deux fantassins nippons qui me regardent, stupides. Revenus de leur première surprise, les militaires entament une conversation de plus en plus rapide ; j’y démêle, fréquemment répété, le mot : « rousski » et, soudain, je me rends compte de ma pénible situation. Mon waterproof recouvre le brassard blanc qui porte, en lettre rouges, mon nom et ma nationalité. Mon long manteau sans couleur, ma coiffure déformée et ma haute taille peuvent fort bien me faire prendre pour un prisonnier évadé. Pour rassurer mes voisins, je répète à plusieurs reprises France et « chinbouncha », ce qui veut dire journaliste, puis j’achève de les convaincre en leur exhibant le permis de l’état-major.

Le truc que j’ai pris à l’abordage fait partie d’un des trains dont les Japonais se servent à l’aller pour